La mode « garçonne », androgyne et épurée, existe depuis longtemps et a su perdurer à travers les décennies. D'où vient-elle ? Comment a-t-elle évolué ? Marie vous explique tout ça !
Aujourd'hui reconnue comme l'une des romancières les plus talentueuses de son époque, George Sand incarne, au XIXème, la femme scandaleuse. Tout d'abord par son nom : née Amantine Aurore Lucile Dupin, elle prendra le pseudonyme de George Sand pour écrire et surtout pour être pleinement reconnue en tant qu'écrivain. Très vite, elle s'habillera en homme, fumera la pipe et aura de nombreuses et célèbres liaisons (Musset, Chopin et tutti quanti). Un comportement sulfureux pour une femme de l'époque !
Scandaleux certes, mais pas seulement. Ses tenues masculines, achetées au départ pour leur confort et leur moindre coût, lui permettent d'investir les lieux publics réservés aux hommes. Par son attitude provocante, mais aussi grâce à son allure remarquable, Sand dépasse les codes féminins établis par une société profondément misogyne. Elle devient une figure singulière du féminisme tantôt qu'elle méprisera, tantôt qu'elle défendra dans ses oeuvres, en soutenant « la réhabilitation de la femme ».
Aujourd'hui, même si beaucoup considèrent encore George Sand comme une femme ayant désiré être un homme, il n'en est rien. Dans une correspondance avec un journaliste, méprisant son attitude, elle répondra : « Je n'ambitionne pas la dignité de l'homme. Elle me paraît trop risible pour être préférée de beaucoup à la servilité de la femme. Mais je prétends posséder aujourd'hui et à jamais la superbe et entière indépendance dont vous seuls croyez avoir le droit de jouir ».
Cette volonté d'indépendance, chère à Sand, va naître chez beaucoup de femmes au début des années 20. Après la guerre 1914-1918, les femmes qui se sont investies aux côtés des hommes vont vouloir conserver les responsabilités qu'on leur a confiées, désireuses d'obtenir plus d'égalité et de liberté : un mouvement d'émancipation des femmes va se développer.
Liée à cette aspiration, la masculinisation de la mode féminine va prendre son véritable essor lors des Années Folles (1919-1929) notamment grâce à une icône mondiale : Gabrielle Chanel.
Coco Chanel et la libération des femmes
La célèbre Coco deviendra une styliste « à contre-courant », comme beaucoup se plaisent encore aujourd'hui à la qualifier. Symbole de la sophistication sobre et de l'élégance pure, Gabrielle Chanel va concevoir une nouvelle mode libérant la femme de ses traditionnels carcans et de sa taille sévèrement marquée. À travers ses créations, notamment la célèbre jacket, le costume tailleur ou encore le port du pantalon, Gabrielle va lancer un nouveau style, emblématique des Années Folles : la garçonne. S'inspirant du livre éponyme de Victor Margueritte, la garçonne pourrait se reconnaître d'abord à ses cheveux, résolument courts. Mais bien souvent, cette femme moderne fume, boit, sort et même conduit comme les hommes. Un fait assez extravagant pour l'époque ! Le développement de nouvelles technologies, mais aussi et surtout des transports individuels vont directement influencer la mode féminine. Les femmes vont progressivement adopter une mode masculine et confortable, arborant souvent de larges chemises, en opposition aux corsets et autres tortures vestimentaires de l'époque. Ainsi, on verra défiler dans les rues la robe-chemise libérant et camouflant les formes ou encore le manteau d'automobile à la fois chic et confortable.
On l'aura compris, la mode de l'époque ne cherche donc plus à souligner les courbes féminines, mais au contraire à dessiner une ligne tubulaire, révélant une silhouette androgyne. Bien que cette mode particulière souligne l'importance des changements de société, il faut tout de même reconnaître que la majeure partie des femmes adoptant ce style le font pour son aspect pratique et confortable. Cette linéarité de la silhouette s'accompagnera de techniques utilisées par la garçonne consistant à aplatir sa poitrine à l'aide de bandes Velpeau. Ce n'est que plus tard que le soutien-gorge se fera connaître.
L'apparition du pantalon chez les femmes marquera également un tournant, gommant ainsi le caractère sexuel du vêtement qui se devait à l'époque, avant tout d'être féminin pour ces dames. Porté par certaines femmes, à la fin des années 1920, le pantalon fera l'objet de polémiques et d'interdictions de la part de l'Église comme des laïcs. Il faudra attendre la fin des années 1960 pour qu'enfin, les femmes puissent décider librement de le porter ou non.
En parallèle, la garçonne sera également le symbole d'une nouvelle féminité libre, aux jupes raccourcies et aux moeurs libérées. Les coupes de cheveux courtes s'accompagneront souvent d'un maquillage appuyé soulignant le regard et la bouche. Outre le fait que cette figure androgyne incarnera le rejet d'une mode féminine traditionnelle, elle symbolisera également la volonté d'indépendance des femmes face aux conventions sociales de l'époque devant lesquelles elles doivent se plier (obligation du mariage, devoir d'être mère, soumission au conjoint, etc.). Les critiques seront nombreuses face à cette nouvelle figure féminine rejetant la norme sociale et aspirant à l'indépendance. On les qualifiera d'excentriques, souvent de lesbiennes.
Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? De nos jours, même si la figure de la garçonne s'est atténuée, la mode androgyne conserve toujours un esprit propre à elle-même comme le décrit Lizzie Garrett Mettler dans son livre, Tomboy Style. Les femmes au look « Tomboy » (de garçon manqué) sont, selon cette jeune écrivaine américaine, « des femmes sûres d'elles, rebelles et aventureuses.
Elles sont débrouillardes, effrontées, féroces et sexy ». Mais il suffirait donc de porter une chemise large et des richelieu pour se sentir si forte ? Pas seulement. Le vêtement ne donnerait pas forcément l'assurance ou la personnalité mais la refléterait davantage. Ainsi, cette personnalité « se serait affranchie, tout au long du XXème siècle, des stéréotypes de genre véhiculés par les publicités ». De nombreuses personnalités restent encore aujourd'hui profondément liées à ce caractère androgyne.
La mode garçonne sur les podiums
Certains couturiers s'amusent encore aujourd'hui à jouer sur les ambiguïtés homme-femme à travers leurs créations. Jean-Paul Gaultier, par exemple, va pousser l'audace jusqu'à faire porter la jupe aux hommes. Celui qu'on appellera « l'enfant terrible de la mode », apportera une vision singulière de la femme.
Elle sera tantôt l'incarnation de la séduction assumée toute en formes et en sensualité, tantôt la femme androgyne, se libérant de la domination masculine. Autre créateur tout aussi talentueux, Yves Saint-Laurent représentera à travers ses collections la femme moderne, en réinterprétant certaines pièces du vestiaire masculin, comme le tailleur-pantalon, la saharienne ou encore le très chic smoking.
La mode garçonne dans la rue
La mode du prêt-à-porter enfin, s'inspire toujours de ce brouillage des codes sexuels. On pourrait citer différentes marques, telles que The Kooples, jouant par ailleurs sur la complémentarité du couple et des garde-robes, ou encore certaines collections de Sandro, Maje... La ligne dessinée par Karl Lagarfeld pour H&M, il y a quelques années reprenait également le code noir et blanc toujours à l'honneur lors des défilés Chanel et s'inspirait ouvertement d'une mode androgyne. Moins connu, le site La Garçonne propose également une mode féminine reposant totalement sur un vestiaire masculin, à des prix malheureusement assez élevés. Ainsi, la mode androgyne d'aujourd'hui s'inspire de la mode des années 1920 incarnant une véritable rupture dans les codes vestimentaires féminins. Pur esthétisme ou refus d'une ultra-féminisation vestimentaire, le style Tomboy ne correspond pas à un phénomène de masse, mais a perduré malgré les années à travers les créations des couturiers et dans les collections de prêt-à-porter.
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